La reconnaissance annoncée du Somaliland par Israël ne relève ni du hasard ni d’un simple geste diplomatique. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large de recomposition géopolitique, où la fragmentation des États africains devient un levier de domination. Derrière le discours de l’« autodétermination », se dessinent des risques majeurs : affaiblissement des États-nations, multiplication des foyers séparatistes et ouverture de brèches sécuritaires exploitables par des groupes jihadistes comme Daech, avec des répercussions directes sur toute la région, du Soudan à l’Égypte.

Une reconnaissance hors du droit international
Autoproclamé indépendant depuis 1991, le Somaliland reste non reconnu par l’ONU, l’Union africaine et la majorité des États du monde. La Somalie, malgré ses crises internes, demeure un État souverain reconnu dans ses frontières issues de la décolonisation.
Reconnaître le Somaliland, c’est donc remettre en cause un principe fondamental de la stabilité africaine : l’intangibilité des frontières. Un principe forgé précisément pour éviter que le continent ne replonge dans une spirale de conflits territoriaux sans fin.

Israël et la Corne de l’Afrique : une approche géostratégique assumée
La Corne de l’Afrique concentre des enjeux cruciaux :
- proximité du détroit de Bab el-Mandeb,
- contrôle des routes maritimes mondiales,
- voisinage immédiat du Moyen-Orient,
- militarisation croissante de la région.
Pour Israël, le Somaliland représente un point d’appui stratégique permettant d’étendre son influence sécuritaire et de renseignement en Afrique de l’Est. Il ne s’agit pas d’un choix idéologique, mais d’un calcul géopolitique froid, inscrit dans une logique d’alliances périphériques et de contrôle indirect des espaces stratégiques.
La fragmentation comme méthode impérialiste moderne
L’époque des colonies administrées est révolue, mais la logique impérialiste, elle, s’est adaptée. Aujourd’hui, elle passe par :
- la balkanisation des États fragiles,
- la promotion de micro-entités dépendantes,
- l’instrumentalisation des identités ethniques, régionales ou culturelles.
Le Somaliland devient ainsi un laboratoire politique, susceptible de servir de modèle ailleurs sur le continent.
Effet domino : foyers identitaires instrumentalisés en Afrique
Une reconnaissance, même partielle, du Somaliland enverrait un message dangereux : la sécession peut être récompensée si elle sert certains intérêts.
Outre le Katanga en RDC et le MAK en Algérie, d’autres foyers sont régulièrement instrumentalisés :
- en Éthiopie, où les fractures ethniques ont déjà conduit à une guerre dévastatrice,
- au Cameroun, avec la crise anglophone,
- au Nigeria, où les revendications séparatistes du Biafra ressurgissent périodiquement,
- au Mali et au Niger, où les tensions identitaires sont souvent mêlées aux enjeux sécuritaires et aux ingérences extérieures.
Dans tous ces cas, les identités ne sont pas le problème en soi. Le danger réside dans leur exploitation politique par des acteurs extérieurs, au détriment de la souveraineté des États.
Une menace directe pour le Soudan et l’Égypte
La reconnaissance du Somaliland ne serait pas sans conséquences régionales lourdes.
Pour le Soudan
Déjà ravagé par une guerre interne destructrice, le Soudan est extrêmement vulnérable à toute logique de fragmentation :
- multiplication des centres de pouvoir,
- affaiblissement de l’État central,
- risques accrus de sécessions régionales.
Une instabilité prolongée dans la Corne de l’Afrique pourrait transformer le Soudan en zone de jonction entre conflits, trafics et groupes armés transnationaux.
Pour l’Égypte
L’Égypte, pilier géopolitique régional, verrait :
- la sécurité de la mer Rouge fragilisée,
- ses intérêts stratégiques menacés,
- les équilibres régionaux autour du Nil et de la Corne de l’Afrique encore plus instables.
Toute reconfiguration forcée dans cette zone représente un risque direct pour la sécurité nationale égyptienne.

Une brèche sécuritaire exploitable par Daech
La fragmentation territoriale crée toujours des zones grises sécuritaires. Là où l’État est affaibli, Daech prospère.
La région est déjà sous tension :
- Al-Shabaab reste actif en Somalie,
- Daech cherche à s’implanter durablement dans la Corne de l’Afrique.
Un Somaliland partiellement reconnu, institutionnellement fragile et dépendant d’acteurs extérieurs pourrait devenir :
- un refuge logistique,
- une zone de transit pour combattants et armes,
- un point de connexion entre l’Afrique de l’Est, le Sahel et l’Afrique du Nord.
Fragmenter pour mieux militariser
Le schéma est désormais bien connu :
- On fragmente un État.
- Le chaos s’installe.
- Les groupes armés se renforcent.
- On justifie une présence militaire étrangère accrue au nom de la lutte antiterroriste.
Daech devient alors non seulement une menace réelle, mais aussi un alibi stratégique.
Conclusion : l’Afrique face à un tournant dangereux
La reconnaissance du Somaliland ne concerne pas uniquement la Somalie.
Elle pose une question cruciale à l’ensemble du continent africain :
accepter la fragmentation ou défendre l’unité, la souveraineté et la stabilité régionale.
L’Afrique n’a pas besoin de micro-États vulnérables,
ni de frontières redessinées depuis des capitales étrangères.
Elle a besoin d’États forts, légitimes et capables de répondre aux aspirations de leurs peuples sans manipulation extérieure.
ROOTS TV continuera de porter cette lecture critique,
parce que l’avenir du continent ne peut se construire sur la division, le chaos et la tutelle.




