Par Héla Jaziri, Docteur en science marine
Les océans et les mers, recouvrent 71 % de la surface de la terre, produisent 50% de l’oxygène, absorbent 25 % de dioxyde de carbone, captent 90 % de la chaleur supplémentaire générée par ces émissions et nourrissent 3,2 milliards de personnes. D’où les océans, les mers et les ressources marines sont les poumons de la terre.
La Méditerranée se transforme en un dangereux piège de plastique avec environ 730 tonnes de déchets plastiques finissent chaque jour dans la mer, ceci représente 95 à 100 % des déchets marins flottants et 50 % des déchets gisant dans le fond de la mer (PNUE/PAM et Plan Bleu, 2020). Entre 61 % et 87 % des déchets marins sont en plastique (Barboza et al., 2019 ; Tekman et al., 2019). La majorité des scientifiques estiment qu’en 2050, les déchets plastiques dans l’océan pourraient largement dépasser la population de poissons1.
Généralement les macro-plastiques causent la mortalité d’un nombre important des organismes marins, y compris des espèces protégées et en voie de disparition. Ce sont les microplastiques qui atteignent des niveaux records en Méditerranée étant donné que leur concentration est 4X plus élevée que celle dans le 7ème continent (WWF, 2018). Ces derniers sont des microparticules granuleuses ou fibreuses inférieurs à 5mm d’origine secondaire provenant de la dégradation des macro-plastiques sous l’action combinée de la lumière, de l’oxydation et de l’érosion mécanique. Les microplastiques possèdent les mêmes caractéristiques toxiques que les plastiques de plus grande taille, mais en raison de leur petite dimension, les voies et les niveaux d’expositions sont différentes et peuvent intégrer les premiers maillons de la chaîne trophique marine. 1 https://www.theguardian.com/business/2016/jan/19/more-plastic-than-fish-in-the-sea-by-2050-warns-ellen-macarthur
Le pastique est bel et bien dans nos assiettes. Et comment ? L’ingestion des microplastiques est possible par deux voies : directement (filtration, respiration ou prédation) ou indirectement via les transferts trophiques. Une étude qui date de 2019, a montré que chaque individu ingère 5g de plastique par semaine via les aliments qu’il consomme. Les déchets marins créent des risques pour la santé humaine. Des plastiques invisibles ont été identifiés dans l’air, l’eau du robinet, la bière, le sel et les espèces de fruits de mer comestibles (huîtres, moules, crevettes, poissons, etc) de sorte qu’ils sont directement ingérés par les humains et ont récemment été détectés dans les selles humaines (Schwabl et al., 2019). De plus, les débris plastiques peuvent libérer des produits chimiques adsorbés, dont certains potentiellement perturbateurs endocriniens et cancérigènes.
En Tunisie, environ 8034 tonnes/an de macroplastique et 154 tonnes/ an de microplastiques finissent dans la mer, d’après le rapport de l’UICN publié en 2020. Nous savons que tout le littoral tunisien est parsemé de déchets : la pollution est visible aussi bien dans les zones rurales que dans les zones côtières.
D’après une étude réalisée par la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat et la Banque mondiale, le golfe de Gabes le golfe le plus riche en biodiversité, qui est considéré parmi les zones les plus polluées du bassin méditerrané. Depuis la fondation de l’un des plus grands complexes industriels tunisiens dans la ville de Gabes (1972), le golfe de Gabes subit nombreuses sources pressions à savoir anthropique, chimique, touristique…
A l’échelle nationale, les publications scientifiques sur la quantification et la caractérisation des microplastiques ont montré la présence de ses particules aussi bien dans le sédiment que dans le biote. Nous citons quelques chiffres que je trouve alarmants ; au niveau de la lagune de Bizerte, la concentration est de l’ordre de 7,96 particules par g de sédiment humide (Abidli et al., 2018) alors qu’elle est comprise entre 703.95 et 1482.82 particules par Kg moules commerciales (Abidli et al., 2019). En allant plus vers le sud, les concentrations sont respectivement : 611 particules/m2 à l’archipel de Kerkennah (Chouchen et al., 2020) et 252-5332 particules par m2 de sédiment (Chouchen et al., 2019).
Comment y parvenir ?
En dépit de la prise de conscience depuis quelques années, la situation reste néanmoins critique. D’où la nécessité de la mise en place d’une politique responsable de gestion des déchets s’avère cruciale.
À long terme, une stratégie durable et rentable de nettoyage et de prévention de la contamination par les plastiques doit reposer sur la participation des citoyens. Le processus de nettoyage et de prévention doit être réalisé avec et pour la société, ce qui tend vers un changement de paradigme au sens large, afin de résoudre l’énorme contrainte de la contamination plastique mettant en danger notre planète et la santé humaine.
« Si on veut, On peut »
Lutter contre la pollution plastique n’est pas impossible à mon avis, cette dernière passe par des actions individuelles et ceci en changeant nos habitudes.
Voilà quelques gestes faciles & infaillibles :
- Dites non au sac plastique : utiliser les sacs en tissus où bien nos coffins traditionnels et comme ça vous faites travailler les artisans
- Ne plus utiliser les bouteilles en plastique, utiliser les gourdes, les bouteilles en verre,
- Bannissez les couvert, les pailles… en plastique,
- Faire le tri des déchets domestiques
Adoptez les bons réflexes à la maison : changez de la culture du jetable.