- Sami Mhenni –
Aoussou ?
Aoussou est la période de l’année s’étendant, selon le calendrier autochtone utilisé traditionnellement pour fixer les saisons agricoles, sur quinze jours à partir du 25 juillet.
Elle est connue pour être une période très chaude et même la plus chaude de l’année. Cette période de la saison estivale se distingue par une chaleur estivale torride qui s’accompagne de la tiédeur de l’eau de mer et de l’augmentation du taux d’humidité dans l’atmosphère.
Origine ?
C’est une « fête » païenne qui n’a rien de chrétien ni d’islamique. On y célébrait Neptune, Dieu des Océans, qui était avant cela dieu de l’eau et des pluies, pour les vertus des baignades et des ressources marines et pour implorer la pluie d’été salvatrice qui met fin à plusieurs jours de canicule.
Hanon a construit des temples a la gloire de Poseidon sur plusieurs sites lors de son périple naval africain.
Elle correspond à la Neptunalia fêtée déjà par les Romains mais qui est absente aujourd’hui en Italie. En effet, aucune fête ou célébration n’en fait référence dans toute l’Italie.
Il est légitime de considérer notre Aoussou plus ancien plus ancré dans nos comtés que la Neptunalia qui en est une version romaine mais qui n’a pas tenu longtemps.
Avec le temps, cette célébration païenne aurait ainsi perdu son sens religieux, elle a perduré et a subi des transformations mais se serait maintenue contre vents et marées.
Actuellement et dans notre culture, Aoussou est une période de détente, repos, de spiritualité et des …. Mariages. En effet, elle vient juste après la saison des grandes récoltes agricoles et précédant celle du semi et la récolte des olives.
Us et coutumes ?
Cette période s’accompagne aussi de plusieurs rites et traditions qui visent à chasser le mal et à apporter abondance et prospérité.
En effet, durant cette période, tous les moyens de récupération et pour faire la fête sont bons : baignade en groupe dans l’eau de mer chaude, consommation de raisins, de figues de barbarie et de figues mielleuses, de l’huile d’olive, de la « hilba », du lait de chèvre, des variétés de tabouna, la bsissa d’orge diluée dans de l’eau fraiche, des thonidès et des sardines.
Les rites marins d’Aoussou sont destinés à éloigner le mal et la maladie. Ils consistent à se baigner tous les jours au cours de cette période chaude pour se prémunir de toutes les maladies qui sont liées au froid de l’hiver et des « changements » inter saisonniers.
Le rituel de cette baignade « bénite » consiste à mettre la tête sous l’eau de sept (7) vagues successives, puis on se lave le corps en entier (ablution), on gargarise à l’eau de mer et on l’inhale par le nez pour nettoyer nos conduites nasales.
Nous avons aussi au début et pendant ce rituel, une « formule magique » qu’on répète incessamment pendant cette « Ghatsa spéciale ». En effet, petits et grands répètent inlassablement :
« Ô père Aoussou, guéris-moi du mal que je ressens »
«يا بابا اوسو داويني من الداء الي نحسوا »
Ou bien l’autre variante qui veut dire la même chose :
« Ô maître Aoussou, enlève-moi le mal que je ressens »
«يا سيدي اوسو نحيلي الداء الي نحسوا »
Pendant cette période il est aussi interdit de « frapper » les enfants, de tondre les moutons et d’économiser l’huile d’olive ainsi que le dit clairement le dicton :
في أوسو صغيرك لا تمسو وعلوشك لا تزسو و زيتك لا تدسو
Il est évident qu’avec la canicule, les enfants ont tendance à être plus agités. On conseille donc de les laisser plus de temps en mer et de liberté et essayer d’éviter de les « corriger » en cas de « bêtise ». Pour les moutons, la tonte doit se faire avant l’été et la canicule sinon c’est trop tard. Tandis qu’à la fin d’aoussou, les préparatifs de la récolte des oliviers commenceront et ça ne sert à rien d’économiser sur l’huile d’olive de la saison dernière.
Un carnaval et après ?
Le carnaval d’Aoussou qui se tient annuellement dans la ville de Sousse est une continuité culturelle de notre relation ancestrale avec la mer et avec la terre.
De nos jours, ce carnaval est devenu un rendez-vous et une occasion pour rassembler les tunisiens et les touristes afin de partager des moments de joie et de fête.
Entre racine historique et modernité, la ville de Sousse possède ainsi un atout majeur pour développer le carnaval version le siècle dernier avec des chars, des charrues et des tracteurs à un festival international moderne du 21ème siècle aux composantes diverses et variées ciblant les jeunes et moins jeunes du monde entier.